Nathalie, la magnifique. | ||
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Les mérens au coeur Nathalie a choisi de vivre ici, et même d’y être ancrée par ses chevaux. Une vraie histoire de famille. Née à Vienne, elle découvre la Cerdagne à 10 ans quand ses parents s’installent à Bourg-Madame. Papa étant ariégeois (et fils de cosaque !), il y avait comme un retour aux sources dans l’air. Et les vacances se déroulent à Porté. Sa maman y tiendra ensuite pendant vingt ans le restaurant. Et un papa plombier qui sait tout faire dans le bâtiment, ça va aussi bien aider. Les études se continuent entre autres au Lycée climatique de Font-Romeu puis en internat à Toulouse. Bac G3, BTS Action co et le mérens au fond du cœur. Et là encore son père joue un rôle essentiel : sa fille veut vivre avec les chevaux ? OK, mais à condition que cela rapporte. Et évidemment le petit prince ariégeois s’impose. Etre éleveur exige de sacrées connaissances scientifiques mais aussi en gestion. Tout en continuant à vivre sur Toulouse et à faire des petits boulots, Nathalie passe son Brevet professionnel agricole qui lui permet de s’installer comme Jeune Agricultrice, sans oublier de se former comme accompagnatrice de tourisme équestre (ATE). En 1994 elle s’installe enfin à Porté où naît sa première fille. Et comme si cela ne suffisait pas, elle crée le gîte d’étape (nuitée et dortoir) et le gîte de ferme (chambres individuelles). Le papa est constamment là, qui retape, agrandit la ferme d’En Garcie, soutient sa fille dans ses activités de randonnées, d’élevage. Et la maman donne d’autant plus un coup de main qu’une deuxième fille naît en 2002. Car l’homme avec qui elle partagera vraiment sa passion des mérens, elle ne le rencontrera que tard et il a son propre club dans la plaine roussillonnaise. Et ce duo-là concoctera de magnifiques transhumances et estives (voir Cavalière n° 5), des randonnées hors du temps entre ciel et sabots. A eux deux, ils possèdent aujourd’hui cent quatre-vingts chevaux. Un rythme d’enfer Une année d’éleveur(se) suppose un calendrier particulièrement chargé. Jugez-en. En janvier Nathalie surveille la gestation des juments. Elle garde à Porté les deux étalons, quelques chevaux de promenade et commence le travail des poulains de six mois. Elle les redescend des prés pour qu’ils soient au contact de l’homme dans la journée. S’ils semblent encore timides, il est évident qu’ils intègrent déjà les soins et la présence des visiteurs. Sans compter le Salon d’Avignon, apprécié des éleveurs et où elle aime à prendre des contacts et parfois à négocier de futurs achats. Jusqu’aux vacances de Pâques, les vacanciers se succèdent dans les deux gîtes et elle leur propose des promenades en traîneaux. Et tous les jours elle va vérifier si ses troupeaux se portent bien, s’il n’est pas venu à l’esprit de quelque équidé facétieux d’aller voir ailleurs s’il y a davantage de foin qu’elle est parfois obligée de descendre en luge car même l’antique 4X4 ne passe plus sur les chemins enneigés. Mai se traduit par le retour en estive d’une partie du troupeau descendu en novembre. Les poulains sont installés au fond de la vallée et les poulinières vont au pré. Les déclarations de saillie sont faites. Deux randonnées ont lieu, le Tour du Carlit et l’Etoile de Puymorens. En juin, dur dur… Car nos juments ont gardé un réflexe atavique qui leur fait mettre leur petit au monde la nuit (vous vous souvenez de ces prédateurs qui fondaient sur les troupeaux le jour ?). Et tandis que les naissances s’enchaînent, les saillies ont lieu et les 3 ans commencent leur débourrage. Ce qui n’empêche pas Nathalie d’accompagner la randonnée A cheval sur trois frontières. Et d’accueillir les marcheurs, de refaire les clôtures… En juillet et août, vous le devinez, le rythme ne baisse pas mais elle embauche Adeline et Inès. Histoire de souffler ? Non, pour pouvoir assumer les sept randonnées au programme (dont deux randos ados), de préparer les concours modes et allures et d’assurer la surveillance des estives. Septembre continue sur un rythme soutenu puisque trois randonnées sont au programme, sur les pas des Cathares tandis que les touristes continuent de faire halte au gîte. Octobre paraîtrait presque paresseux puisque elle « se contente » d’effectuer les réparations à la ferme (on retrouve l’héritage paternel), de faire le signalement des poulains sous la mère et de préparer la transhumance. En novembre pas de répit : Salon de Lyon, sevrage des poulains, répartitions des bêtes, transhumance parfois déjà sous la neige, séances de vermifuge, de vaccins, sans oublier l’indispensable stockage du foin. En décembre, mise en place des traîneaux qui sont fort appréciés des vacanciers. Et presque un petit air de détente ! En bref, il s’agit bien de la vie d’une exploitation agricole, sans jours fériés, avec les soins constants qu’il faut apporter aux animaux. Un métier très physique, où il faut braver le froid, la neige, ne pas avoir peur de retrousser ses manches pour effectuer des travaux autrefois réservés aux hommes, se « coltiner » des charges très lourdes. Mais le choix qu’elle a fait du tourisme en gîte et des randonnées lui permet aussi des contacts sans cesse renouvelés avec ces randonneurs pédestres ou ces cavaliers qui viennent découvrir un environnement qu’elle aime et qu’elle souhaite contribuer à préserver. Ah oui, j’allais oublier qu’elle est aussi présidente du Comité départemental de tourisme équestre, ce qui signifie un certains nombre de réunions, de décisions à prendre et de liens à maintenir avec les autres éleveurs et clubs équestres de la région. Entre nature et culture Si vous lui demandez si elle souhaiterait une autre vie professionnelle, elle vous regarde simplement comme quelqu’un qui n’aurait pas bien compris que c’est son choix, qu’elle est heureuse avec ses princes noirs, qu’elle aime faire découvrir ses Pyrénées. Seule ombre au tableau (mais vécue par beaucoup d’autres femmes qui travaillent), les moments où elle s’éloigne de ses filles ; où la culpabilité maternelle resurgit, notamment le soir quand elle n’est pas là pour les écouter raconter leur journée. Si un jour vous souhaitez lui acheter un mérens, sachez qu’elle ne vous le vendra qu’après vous avoir observée avec lui, demandé où il vivra, dans quelles conditions et exigé d’avoir des nouvelles. Car ses chevaux font partie de sa famille. Alors pas question pour elle que le cavalier et sa monture ne soient pas en bonne intelligence. Si je vous dis aussi que ça n’est pas toujours facile de laisser partir son protégé quand la vente est conclue, vous me croyez ? Car Nathalie c’est un cœur gros comme ça, une énergie fabuleuse, une vraie tendresse pour son monde, qu’il soit humain ou équin, sans parler de sa passion pour ses montagnes qu’elle nous fait si bien découvrir. Quand on vous dit que les brunes, « elles ne comptent pas pour des prunes »… Dominique-Laurence Repessé |
Elever des chevaux, c’est de la passion certes, mais avant tout un métier exigeant, très physique, où les joies sont au rendez-vous autant que les inquiétudes. Alors comment vit-on cela quand on est femme, mère de famille, guide touristique, éleveuse ? Nathalie témoigne de ses jours et ses nuits rythmés par les robes noires des mérens. Porté-Puymorens, 1610 mètres d’altitude, à dix kilomètres de l’Espagne et de l’Andorre. Ce jour-là, il ne neige pas mais la tramontane dégringole sur le fond de la vallée. Et quand on est éleveuse, pas question de rester à l’abri en attendant meilleur temps. Il ne fait que… glacial ! Bon sang ne saurait mentir, surtout quand on est petite-fille de cosaque ! D’ailleurs impossible d’en douter à la vue de sa chevelure flamboyante, de ses pommettes haut placées et de la formidable énergie qui se dégage d’elle. Et qui a subi ses foudres s’en souvient longtemps. Encore qu’il puisse s’agir d’une tempête qui peut s’apaiser aussi vite qu’elle s’est levée. Cela s’appelle un tempérament !
Nathalie Komaroff Ferme d’En Garcie, 51, route des Lacs 66760 Porté-Puymorens 04 68 04 95 44 / 06 10 76 79 87
Randonnées
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